De la conception à l’animation
Conceptrice de serious games pendant plus de 10 ans, en particulier de simulations et de mises en situations managériales, j’ai abordé de nombreux projets de formation sous l’angle du besoin client. Celui-ci s’exprimait le plus souvent par l’attente d’un retour sur investissement (ROI), et donc d’une efficacité pédagogique mesurable. Comment l’obtenir ? S’agissant de serious games, cette efficacité découle d’un travail fin sur le game design, et son imbrication étroite avec le scénario, les objectifs et les contenus pédagogiques. On favorise de cette façon l’implication et l’attention soutenue, et un meilleur ancrage des connaissances et compétences acquises sur la durée.
Je consacre désormais une partie de mon temps à l’enseignement ; j’interviens auprès des élèves de Master 2, spécialité Stratégie et Communication Digitale (Université Savoie Mont-Blanc), et de ceux du Master 1 Transmédia (Sciences Po Grenoble), sur les thématiques du management et de la gestion de projet.
J’ai naturellement choisi le serious game comme modalité, et en ai fait l’épine dorsale de mon cours. En accord avec Daesign, éditeur de référence dans le domaine, j’ai fait le choix de baser l’animation des séances (une quinzaine d’heures par groupe) sur l’utilisation de 3 serious games de son catalogue :
- Gérer son temps
- Déléguer une tâche/une mission
- Manager à distance
Le bilan de l’expérience est très positif : j’ai pu constater l’efficacité de l’outil, et le plaisir que prennent les apprenants à l’utiliser. Mais j’ai surtout pu mesurer l’impact de l’usage du serious game en salle sur le rôle même du formateur. La préparation du cours, les modalités d’animation, la posture adoptée en salle en sont transformées.
Conceptrice, mes questions étaient : « l’interaction entre l’apprenant et le serious game se déroulera-t-elle comme je l’imagine et lui apportera-t-elle les bénéfices que le produit lui promet ? ».
Formatrice, cette question est devenue : « Quand je vois les étudiants s’impliquer, réfléchir à voix haute, se défier… quelle posture de formatrice dois-je adopter en séance pour tirer parti de cette énergie ? ».
Au terme de l’expérience, j’en distingue trois…
1. Le formateur-concepteur
C’est le cas très particulier – et évidemment non généralisable – dans lequel je me suis trouvée lors des premières sessions. J’ai utilisé deux serious game dont j’avais activement contribué à l’écriture, et dont je connaissais le scénario, le gameplay, l’interface, et surtout le modèle.
J’entends par « modèle » l’ensemble des règles, principes, bonnes pratiques et outils pris comme référence, et la façon dont le scénario les articule pour déterminer les enchaînements d’action, le calcul du score, le choix des feedbacks… tout ce qui constitue le cheminement et la progression de l’apprenant.
De fait, ayant moi-même créé ou co-créé les modèles sous-jacents aux simulations et à leur mise en scène, j’étais armée pour recevoir, et même anticiper tout commentaire ou question de la part des apprenants, et y répondre de manière argumentée.
J’ai donc naturellement placé l’utilisation des serious game au cœur des séances de cours. J’en ai fait leur fil rouge et principal support. Les étudiants (12 au total) jouaient en sous-groupes ou collectivement. La session était systématiquement suivie d’une restitution collective. J’ai traité les points du programme non couverts par les jeux de manière traditionnelle (apport théorique et cas pratiques) dans des séquences dissociées.
En deux mots :
- Les séquences serious game, une fois lancées, génèrent une dynamique propre, ce sera le cas à chaque fois : les étudiants accrochent, s’impliquent dans leurs choix, interagissent entre eux et avec le jeu.
- Les messages pédagogiques sont transmis au fil des échanges qui s’instaurent naturellement durant les séquences de jeu. Il est aisé ensuite de les expliciter et mettre en évidence lors de la restitution qui donne lieu à de nombreux commentaires et débats.
Les séquences de cours traditionnel sont alors vécues comme en rupture avec les précédentes, et il est difficile d’en maintenir le lien et la fluidité.